Dans ce premier film et véritable coup de maître de Sidney Lumet sorti en 1957, 12 Hommes en Colère, cette séquence présente de nombreux points d’intérêt, en particulier dans l’habileté et la concision avec lesquelles il pose à la fois les enjeux du drame, et les caractéristiques des principaux protagonistes qui seront inévitablement amenés à s’affronter autour de ces mêmes enjeux. Tous partagent une obligation de résultat : aboutir à une décision unanime.
Au premier plan de ces enjeux se situe la décision pour laquelle le tour de table est proposé : c’est une question de vie ou de mort pour le jeune homme s’il est condamné par ce jury.
C’est ensuite le positionnement des différents membres du jury qui éveille l’intérêt.
Celui qui propose le vote, se situant de facto dans une posture de leader potentiel, mais qui très rapidement donne l’impression de ne pas vouloir assumer cette charge, comme s’il s’excusait d’avoir pris cette initiative.
Plusieurs autres jurés oscillent entre la volonté à peine dissimulée de se « débarrasser de la question » grâce à ce vote qui, espèrent-ils, va permettre de réduire les échanges à une simple formalité vers une soirée redevenue libre pour des perspectives plus réjouissantes, et asséner leur conviction peu argumentée de la culpabilité du jeune, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons.
Quelques jurés sont suiveurs passifs et se laissent embarquer par la dynamique du groupe, mais l'un d’entre eux dévoile un charisme et donc une capacité d’entraîner les autres plus important.
Enfin celui qui vient jouer les trouble-fête, grippant la mécanique huilée d’une décision expéditive et dont la résistance vient désagréablement irriter les autres consciences.
Ce dernier personnage incarne au-delà de son rôle fonctionnel dans le groupe une somme de valeurs essentielles pour garantir le fonctionnement démocratique d’une société :
La liberté d’expression, même et surtout si elle vient se confronter à une opinion générale radicalement opposée.
Le courage de bouleverser le processus collectif, en remettant chacun face à ses responsabilités d’homme et de juré dans un contexte de vie ou de mort pour le justiciable.
Un leadership de la conscience dont on pressent rapidement qu’il est au moins aussi fort que d’autres formes de leadership : force, pouvoir, charisme notamment.
Ainsi cette brève scène agit comme un précipité actif de toutes les questions fondamentales liées à une décision essentielle qui bascule d’une mécanique prévisible à un débat irrigué par la conscience humaine, avec toute sa complexité.
Et vous , comment prenez-vous les décisions individuellement et collectivement ?
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